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Guides d'achat | 29 novembre 2024
SAIL
29 octobre 2024
Tous les matins de chasse sont spéciaux. C’est l’aurore qui amène cela, un gros bac d’espoir rempli de possibilités.
Je regarde défiler la berge, les yeux encore collés par une nuit de sommeil léger. Si tous les matins de chasse sont spéciaux, celui-ci se démarque. D’abord parce qu’il débute par une traversée sur l’inégalable rivière Restigouche. Ensuite parce que j’ai le privilège d’être à ma première journée de chasse à l’orignal dans les coulées qui bordent le mythique cours d’eau. Difficile de m’ôter de la tête que c’est ici, il y a plus de 10 ans, qu’est né Hooké.
Dans cet article
Chasser l’orignal au Nouveau-Brunswick est une occasion rare. Traquer le roi des cervidés ici, même pour un résident, relève de la bonne fortune; seulement environ 5 000 permis sont délivrés par un système de tirage au sort provincial. Ce contrôle serré de la récolte entraîne une expérience de chasse reconnue, avec un cheptel équilibré et abondant de mâles matures. Ma présence sur le royaume des Géants, je la dois à Sébastien Hodgson, propriétaire des chalets Restigouche qui, après m’avoir permis de capturer mon plus gros saumon à vie, m’a offert un permis de chasse pour non-résident, ainsi que l’accès à son territoire de prédilection.
La rivière Restigouche fait éclater le sens des proportions. C’est une large rivière à l’eau claire qui se jette dans la Baie-des-Chaleurs, au cœur du golfe du Saint-Laurent. À la hauteur de Kedgwick, là où je me trouve, ses flots sont tonifiés par l’afflux des rivières Matapédia et Patapédia. C’est en compagnie du guide Hugo Terrasse que je m’avance pour la première fois de l’autre côté de cette forêt que j’ai si souvent observée avec curiosité lors de mes journées de pêche.
Hugo connaît la moindre coulée et la moindre butte du territoire que nous arpentons ensemble. Il avance avec assurance. Mes premiers pas dans la forêt sont marqués par un constat : la force et la vitalité qui caractérisent la rivière se transposent dans la végétation. Les arbres transpirent de santé, le sous-étage est abondant, les essences sont diversifiées. C’est un écosystème qui épelle le mot « orignal » en caractères gras. Dans les premiers rayons du matin, la plainte d’une femelle orignal résonne au loin, me ramenant au moment présent. Mon guide me lance un regard et pointe du doigt la direction d’où l’appel lui semblait provenir. Je lui fais signe de la tête. Il se rapproche de moi pour m’expliquer comment nous allons modifier notre parcours afin de nous rapprocher. Sa confiance m’énergise et je redouble d’attention. J’essaye toujours de rester très concentré quand je chasse avec un guide. Premièrement, parce qu’il y a beaucoup à apprendre de quelqu’un qui passe autant de temps en forêt à observer le comportement des animaux. Ensuite, parce qu’après quelques heures passées à suivre quelqu’un à la trace, c’est facile de se perdre dans ses pensées et de devenir un poids mort. À la chasse comme à la pêche, les choses peuvent bouger très rapidement, et il faut toujours être prêt.
En arrivant dans une forêt de sapins, nous découvrons un petit arbre dont l’écorce a été arrachée. La sève fraîche et l’écorce humide au sol laissent croire que le mâle était ici il y a moins de 48 heures. Nous ralentissons le pas, mais mon cœur accélère. Hugo fait une pause d’une dizaine de minutes, cherchant à provoquer la réaction du mâle en jouant avec sa palette d’orignal. Tous mes sens sont en éveil et j’essaye d’imaginer d’où l’orignal pourrait arriver. La tension redescend graduellement, alors qu’aux appels d’Hugo, la forêt ne renvoie qu’un silence épais.
Nous reprenons notre progression. Le soleil est maintenant bien haut dans le ciel, mais la température reste fraîche. La talle de conifères laisse place à un vaste plateau de feuillus, où nous trouvons des signes de broutage frais. Alors que des traces sur le sol nous confirment que nous sommes sur la bonne piste, mon guide pointe à sa gauche : « Orignal », mime-t-il avec ses lèvres. Par-dessus le bruit de mon cœur qui cherche à sortir par mes oreilles, un craquement me confirme la présence d’un gros animal. Je me place derrière un arbre, alors que mon guide s’éloigne vers ma droite. Entre deux arbres, un panache apparaît. Chaque fois que je vois un animal de cette taille si près de moi, je suis émerveillé. La façon dont ils se déplacent sans bruit me fascine.
L’orignal s’avance vers nous tranquillement, défiant les provocations d’Hugo. Ce n’est pas le plus gros, mais s’il m’offre une fenêtre de tir, j’ai l’intention de la saisir. C’est un spécimen mature, adulte, dont je pourrai nourrir ma famille et mes proches. Pour le moment, il me fait face, mais il regarde en direction d’Hugo qui s’est placé pour le faire tourner. À mesure qu’il se rapproche, il m’ouvre sa zone vitale. Je me prépare à tirer, visant soigneusement, puis j’appuie sur la détente.
Agenouillé devant le roi des forêts, j’ai chaque fois une pensée pour mon père, décédé dans une collision avec un orignal. Je me dis que, de là-haut, il a sûrement son rôle à jouer dans mes rencontres chanceuses avec cette bête. En serrant la main de mon guide, je le remercie de m’avoir fait voir l’autre côté du royaume des Géants, d’avoir solidifié le lien intime qui rattache mon existence à la rivière Restigouche. Tous les matins de chasse sont spéciaux, mais ceux où nos efforts sont récompensés marquent un tournant. Chaque gibier récolté atteste qu’en forêt, il faut croire, sans cesse, que tout est possible.