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Kayak de mer : un récit trépidant et des conseils pour vous préparer avant une expédition

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6 août 2021

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Expédition de kayak de mer au Saguenay

Notre collaborateur, Samuel Ostiguy, explorateur, architecte d’aventures et créateur d’expériences en nature, nous raconte son tout dernier récit de kayak de mer. Transformé de ce périple, il partage également ses meilleurs conseils afin que vous puissiez bien vous préparer en vue d’une prochaine expédition en eaux agitées.

L’appel des vagues

Février 2021. Le téléphone sonne. Au bout du fil se trouve Simon Nadeau, un ami de longue date qui est aussi un guide en kayak de mer depuis plus de 10 ans partout sur la planète. Il est en train d’organiser une expédition de kayak pour la fin du mois d’avril et il m’invite à me joindre à trois autres partenaires et lui. J’ai immédiatement très envie de dire oui, mais comme ça fait près de 12 ans que je n’ai pas fait de longues expéditions en kayak de mer, j’ai quelques réserves.

« Sam, tu possèdes tellement d’expérience en plein air, je suis vraiment sûr que tes compétences vont se transférer. Ce serait un privilège de pouvoir vivre ça ensemble, depuis le temps que nous en parlons », essaie-t-il de me convaincre.

Je dois reconnaître qu’il a un point. Ma formation de guide de plein air et les nombreuses expéditions accomplies depuis 15 ans m’ont tout de même donné un solide bagage d’expériences. Go, j’embarque!

Un itinéraire ambitieux

grand depart mappe

 

Après de multiples adaptations à notre trajet en raison de la pandémie, nous nous arrêtons finalement sur les 150 km qui séparent la ville de La Baie, au Saguenay, et le village de Baie-des-Rochers, dans Charlevoix.

Au Québec, pour le kayak de mer, le Saguenay s’avère l’un des terrains de jeu les plus majestueux. Large d’environ deux kilomètres en moyenne, la rivière Saguenay est nichée au creux de falaises et de sommets pouvant atteindre plusieurs centaines de mètres. La faune marine y est abondante et il n’est pas rare de pouvoir l’observer depuis son kayak. Enfin, le parc national du Fjord-du-Saguenay, de la Sépaq, est morcelé de part et d’autre de la rivière et offre des emplacements de camping accessibles uniquement par l’eau sur toute la longueur du trajet.

Cependant, la rivière Saguenay est aussi l’un des endroits les plus complexes à naviguer et il faut absolument connaître le niveau de difficulté qu’elle représente. Parmi les nombreux défis à prévoir, il faut prendre en compte les hautes marées, la puissance du vent qui s’engouffre dans le sillon du fjord, la météo pouvant changer très rapidement, la froide température de l’eau et l’impossibilité de pouvoir accoster, parfois sur de nombreux kilomètres, en raison de la présence des maintes falaises.

Comme pour toutes les sorties en plein air, il est primordial d’avoir une préparation impeccable, un niveau d’expérience adapté et nécessaire à notre sortie en kayak de mer et un bon équipement. Si le niveau d’expérience est insuffisant selon l’activité pratiquée (comme c’est mon cas ici), il est toujours possible de vous faire accompagner par un guide professionnel.

En ce qui me concerne, je partais heureusement avec trois guides de kayak de mer qui connaissent le fjord comme le fond de leur poche. Je ne pouvais pas demander mieux!

Le grand départ

Le 29 avril 2021, à la marina de la ville de La Baie, nous effectuons les derniers préparatifs à marée basse. Sur le sol boueux et glissant de la batture, nous chargeons notre équipement personnel dans nos kayaks respectifs et nous nous divisons chacun une partie de l’équipement collectif. Je me retrouve donc avec des repas communs, des réchauds et du naphte. C’est avec un peu d’angoisse – quand même! – que je charge mon kayak en espérant que tout rentrera.

Après plusieurs tentatives, je finis par trouver l’emplacement exact où chaque pièce d’équipement doit aller pour que ça fonctionne. Ce jeu de casse-tête façon « Tetris » devra se répéter chaque matin pour la prochaine semaine.

Prêts à partir, nous avons l’air de gladiateurs nautiques avec nos vêtements étanches, nos jupettes de kayak et notre veste de flottaison (VFI) sur le dos. Fébriles à l’idée de commencer l’expédition, nous avalons en vitesse une bouchée avant de mettre les bateaux à l’eau.

Le soleil de midi est particulièrement chaud en cette journée sans nuages et sans vent. Nous entamons les premiers coups de pagaies avec un petit cri de joie.

Je goûte à l’eau : elle est salée! La marée montante nous oblige à longer les rives ce qui nous permet de profiter du contre-courant et d’admirer les paysages. Les arbres sans feuilles et l’absence totale d’autres embarcations sur l’eau nous rappellent que nous sommes partis très tôt dans la saison.

Jour 1 : de réapprentissage à maîtrise

kayak de mer en groupe

 

La première journée me permet de revoir différentes techniques de pagaie. Mes acolytes sont généreux de commentaires constructifs et cela m’aide beaucoup.

Déjà, à la fin de la journée, j’ai l’impression d’avoir retrouvé une partie de l’aisance que j’ai déjà eue en kayak.

Après quelques heures passées sur l’eau et une vingtaine de kilomètres franchis, Antoine et Simon nous dirigent vers l’anse qui accueillera nos tentes pour la nuit.

Je sens que cette première nuit sera particulièrement bonne. Après le sprint des derniers jours à finaliser les préparatifs et la journée sur l’eau à pagayer au soleil, je vais de toute évidence profiter de ma nuit de repos.

Jour 2 : un périple bien accompagné

Lorsque j’arrive dans l’espace cuisine le lendemain matin, le café est déjà prêt et les sandwichs déjeuners sont en train d’être finalisés. Je ne pourrais pas penser à une meilleure façon d’oublier mes courbatures aux épaules causées par l’effort de la veille!

Cette nouvelle journée sur l’eau se passe sans pépin. Nous passons par la municipalité de Sainte-Rose-du-Nord réputée pour être l’un des plus beaux villages du Québec.

Sur l’heure du dîner, en mangeant une soupe préparée le matin, je prends le temps de sentir à quel point je suis heureux d’être là! Passer la journée à bouger, à rire avec les copains, à me faire bercer par le mouvement des vagues, à admirer la vue à couper le souffle. Je suis en extase.

Deux phoques nous suivent tout l’après-midi, en jouant à cache-cache avec nos embarcations. Ces mammifères inoffensifs pour l’humain sont super curieux et ont une attitude qui rappelle beaucoup celle des chiens.

Le soir venu, au campement, nous prenons soin d’écouter les prévisions météorologiques pour le lendemain. Une alerte de coup de vent (avec des vents de plus de 60 km/h) est en vigueur pour la région où nous nous trouvons.

Jour 3 : un repos forcé

etirement sur la plage

 

Le lendemain matin, comme nous l’avions deviné, les rafales sont telles qu’il nous serait impossible de naviguer en toute sécurité. Les fortes vagues qui se brisent sur la plage où nous sommes rendraient une mise à l’eau particulièrement risquée pour nous et pour les kayaks de mer.

Notre décision est prise. Nous prendrons une journée de congé.

J’adore ces journées en expédition où mère Nature nous dit : « ne faites rien ». Ça me rappelle les jours de tempête de neige lorsque les écoles fermaient.

Nous profitons de cet arrêt forcé pour explorer les environs et nous reposer.

Le soleil d’après-midi a tellement réchauffé le sable sur la plage que nous y faisons une séance d’étirements et de méditation les pieds nus. Une fois la nuit tombée, nous mangeons sur la plage, sous la voûte céleste d’un ciel sans nuages, et nous parlons jusqu’à très tard autour du feu.

Jour 4 : un souffle jamais vu

Le matin suivant, des rafales allant jusqu’à près de 90 km/h nous obligent une fois de plus à patienter avant de repartir. Simon et Antoine ne se souviennent pas d’avoir vu autant de vent sur cette rivière durant leurs nombreuses expéditions précédentes.

Nous préparons la stratégie pour le lendemain. Si la météo le permet, nous ferons une journée double.

Jour 5 – en journée : l’inattendu au rendez-vous

Il est midi lorsque nous repartons après avoir passé trois nuits au même endroit. Les vagues sont encore puissantes, mais le vent diminue et, après discussion, nous sommes tous à l’aise avec le niveau de risque.

C’est primordial d’être prêt à l’imprévisible. Cela fait 20 minutes que nous sommes partis lorsque survient l’accident. Je suis en pleine manœuvre de rotation lorsque la vague me surprend dans l’angle mort arrière droit. Je tente de garder mon équilibre avec une manœuvre d’appui qui consiste à utiliser la pale de la pagaie à plat sur l’eau, un peu comme vous poseriez votre main au mur si vous perdez l’équilibre.

J’insiste trop sur le mouvement alors que j’ai une mauvaise posture. Lorsque mon kayak se renverse, je sens mon épaule gauche brusquement sortir de sa cavité.

Me retrouvant soudainement la tête sous l’eau, je sens monter en moi un urgent besoin de respirer à cause du choc thermique dû à l’eau froide et à ma vive douleur à l’épaule.

J’ouvre les yeux. Contrairement à l’environnement extérieur, il y a un calme total qui règne sous l’eau. La lumière est magnifique. J’ai peur.

J’utilise mes dents pour enlever ma mitaine de néoprène droite et je tire sur la jupette de mon kayak pour me sortir de l’embarcation.

Je vois Simon qui arrive rapidement à ma hauteur et je lui indique l’état de mon épaule. Je suis bien conscient que, pour lui aussi, cette réalité vient de créer un niveau de complexité supplémentaire.

Ses instructions sont claires et directes. Malgré la confusion due à mon état de choc et le fait que je suis complètement rouillé sur la procédure à suivre, mon kayak est vidé en quelques instants et je peux le réintégrer de peine et de misère. Entre-temps, je réussis à forcer la tête de mon humérus à son endroit naturel. Le son et la douleur provoqués à ce moment-là me font pousser un gémissement involontaire.

Une fois de retour à l’intérieur de mon kayak, nous ne sommes pas au bout de nos peines. Nous faisons le constat clair que je n’arriverai plus à pagayer.

Revenir à notre campement de la veille serait impossible avec ce vent et ces vagues de face. La chose à faire est d’assurer notre stabilité et de nous laisser dériver.

Nous formons un radeau en nous tenant les uns aux autres. Antoine nous remorque pendant un long moment, Vicky me donne à manger et met une mitaine sur ma main gelée, Julie tient fermement mon kayak alors que j’ai de la difficulté à utiliser mon bras gauche et Simon supervise toute l’opération avec une main de maître. En ce qui me concerne, j’essaie tant bien que mal de gérer mon état en racontant des blagues et des anecdotes, et en essayant de bouger les pieds pour minimiser les risques d’hypothermie. Je ne pourrais pas être mieux entouré pour faire face à la situation.

Quand nous arrivons deux heures plus tard, au premier endroit où nous pouvons accoster et passer la nuit, je commence à grelotter.

Pendant que mes compatriotes montent le campement, je mets des vêtements secs, je me glisse au chaud dans mon sac de couchage et je mange une soupe réconfortante pour éviter de tomber dans un état d’hypothermie plus sérieux’.

Jour 5 – en soirée : à chaque problème, sa solution

Lors du repas du soir, nous avons une discussion sur la suite de l’expédition. Puis, d’un commun accord, nous constatons que la meilleure décision à prendre est d’organiser ma sortie pour le lendemain matin. Par chance, l’endroit idéal pour effectuer cette sortie d’urgence se trouve en ligne droite sur l’autre rive du fjord.

Nous contactons une responsable de la Sépaq, à Baie-Éternité, et le directeur des opérations de Fjord en Kayak. Ils se coordonnent le soir même entre eux pour nous aider. La responsable ouvrira une barrière située plus haut dans la vallée pour permettre au directeur des opérations de venir me récupérer avec mon embarcation.

Ils sont des plus généreux et professionnels.

Jour 6 : une sortie bien orchestrée

vers la sortie

 

Le lendemain matin, vers 10 h 30, le campement est défait et nous avons pagayé les quelque kilomètres qui nous séparent du point de mon évacuation. C’est l’heure de séparer nos routes.

Antoine, qui habite L’Anse-Saint-Jean, me prête son appartement pendant qu’il termine l’expédition avec le reste de l’équipe. Je peux m’y reposer confortablement en attendant mon retour à Montréal.

Une finale heureuse

L’équipe décide finalement de raccourcir le projet et de sortir à Tadoussac deux jours après ma sortie, après avoir pagayé un total d’environ 100 km sur l’eau. La conjointe de Simon et moi allons les retrouver à leur sortie avec du café chaud, des croustilles et de la bière.

En trinquant une dernière fois avant de retourner chacun chez soi, nous faisons état du nombre incalculable de changements qui auront eu lieu avant et pendant cette expédition.

Qu’importe, l’aventure c’est aussi et surtout ça, profiter du moment présent et célébrer les imprévus et notre capacité d’adaptation!

Ce que je retiens de cette expérience

  • Comme dans n’importe quelle sortie en plein air, une préparation adéquate est nécessaire pour assurer notre sécurité et celle des autres, en plus de maximiser nos chances d’avoir du plaisir!
  • Cette préparation devrait toujours tenir compte des risques du terrain sur lequel nous nous engagerons, de notre niveau d’expérience et de notre forme physique, de notre maîtrise des outils de navigation, du matériel que nous apportons, de la considération de la météo et de notre état d’esprit.
  • Accepter de l’aide, arrêter, faire demi-tour ou adapter une expédition de plusieurs jours ou une sortie de quelques heures ne sera jamais un échec, peu importe notre niveau d’expérience. C’est plutôt un gage de pouvoir vivre d’autres super moments en plein air pour de nombreuses années encore!

Trucs et astuces avant de partir en expédition de kayak de mer

  1. Procurez-vous des sacs étanches de 5 ou 10 L. Ils sont idéaux pour empaqueter les caissons étanches du kayak. Attention de ne pas les percer en les mettant à côté d’objets pointus ou métalliques.
  2. Préparez un dîner chaud et simple : mettez de l’eau bouillante dans un contenant isolé (de type Thermos) avant de quitter le campement le matin et ajoutez-y du bouillon en poudre ainsi que vos ingrédients déshydratés favoris. Résultat : une soupe-repas pour l’heure du lunch!
  3. Si vous en possédez un, fixez votre sac d’hydratation directement sur votre veste de flottaison. Cela vous évitera d’être encombré par trop de bretelles ou de devoir placer votre sac sous les élastiques du pont du kayak et vous pencher chaque fois que vous souhaitez boire.
  4. Apportez deux segments de 2 pieds (61 cm) de « nouilles flottantes » pour la piscine par kayak. Vous pourrez déposer votre embarcation dessus une fois hors de l’eau et cela vous évitera de la poser sur des roches pointues qui pourraient endommager la coque. Il est possible de remplacer les nouilles par des branches de diamètre similaire.
  5. À l’instar des guimauves grillées sur le feu, j’ai découvert qu’un morceau de chocolat, comme du Toblerone, grillé au-dessus de la flamme une trentaine de secondes s’avère vraiment, vraiment bon! Il suffit de créer une pince avec deux branches et le tour est joué!

Pourquoi avoir recours à un guide de kayak de mer?

Si vous êtes débutant ou intermédiaire, requérir les services d’un guide est non seulement un gage de sécurité en cas de situation d’urgence, mais c’est aussi la chance de profiter de conseils de qualité quant à l’équipement à apporter.

De plus, ceux-ci fournissent pour la plupart l’équipement de groupe (réchauds, tente cuisine, sciotte, etc.) et sont souvent d’excellents cuisiniers. Deux avantages à considérer!

Bonne sortie en kayak de mer!

Pour bien vous équiper ou pour trouver le bon modèle de kayak pour vous, passez voir un conseiller ou une conseillère chez SAIL.

Magasinez

Cet article a été produit en collaboration avec Samuel Ostiguy, explorateur.

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